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Il n'y a pas de chats à Copenhague

  • Photo du rédacteur: Méline E
    Méline E
  • 12 mars 2018
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 22 oct. 2019

Le premier soir fut sombre. A peine arrivée, la ville avait disjoncté. Les lumières s'étaient éteintes. Drôle d'accueil à Copenhague.

De Copenhague, je n'en n'avais qu'une vague idée. Fumeuse. James Joyce avait clamé qu'il n'y avait pas de chats dans cette ville-là*. Des années plus tard, le constat était tout aussi juste. Pas de chats à Copenhague.


"Den Tykke Kat" de Niels Skovgaard, visible au musée SMK

Quelques heures plus tôt, j'avais débarqué sur le sol danois en me demandant ce que je venais faire dans cette singulière galère. Erasmus? L'auberge espagnole? Pff c'est pas un mythe tout ça?! On verra bien. En attendant, ma première mission, après avoir bourlingué, moi et mes bagages lourdes -négligemment jetés dans ma chambre étudiante, c'était de m'acheter du café. Téma le sens des priorités. Paumée par un sens de l'orientation tout pourri, j’atterris dans un coffee shop, avec l'espoir de chiper le wi-fi.

Ce jour-là, je n'ai pas osé demander le mot de passe, mais j'ai réussi à dénicher une épicerie et, ce qui devint un de mes cafés préférés à Copenhague: Bacchouse. J'y revins de nombreuses fois. Un peu par mélancolie, beaucoup pour la décoration chinée. Siroter un café est un sport national au Danemark.

Une sieste s'imposait. A mon réveil, la nuit était survenue. Merde... déjà. Tant pis, show must go on. Je me levai, baillai, me dirigeai vers l'interrupteur.

Sauf que: plus d'électricité. Ça commençait bien. D'ailleurs, mon téléphone ainsi que mon ordi étaient déchargés. True Story.

Tenaillé par l'ennuie et l'impuissance, je me glissai alors hors de ma chambre pour comprendre ce qu'il se passait. Je suis allée dans la cour de ma résidence étudiante, j'ai allumé une clope. Je n'étais pas seule. Plusieurs étudiants étrangers, tout juste arrivés, se trouvaient là, tout aussi désemparés que moi. On nous raconta que tout le quartier était touché. On nous confia qu'il y avait eu de grosses chaleurs ces derniers jours, ce qui n'était pas une mauvaise nouvelle en soi. Il faisait bon dehors. Ce genre de soirées d'été grisante, même sans alcool. Ayant tous rien de mieux à faire, nous décidâmes de nous attarder afin de faire connaissance. C'est ainsi que j'ai rencontré Minty, chipie anglaise qui devînt mon amie. Il y en aura d'autre par la suite: Ade, l'inspirante Américaine; Timothy, l'Anglais le plus gentil d'Angleterre, Gonenc, le Turc gourmet ou encore Clément, plus-parisien-tu-meurs, mais terriblement attachant. Et puis Fiona. Et puis Simone. Et puis Floris, etc etc.

Le lendemain, l'université de Copenhague nous avait réservé un accueil digne de ce nom. D'abord, une conférence sur le Danemark, ce qui fait le Danemark ou plutôt, comment les Danois aiment se définir à nous. Et deux mots clefs à retenir: hygge et bike. De mon coté, j'avais lu et j'avais vu. Des militants d'extrême droite avait distribué aux passants des "sprays anti-migrants"; des sans domicile fixe s'installaient et passaient la nuit sur les bouches d'aération pour se tenir chaud, comme en France. Il y avait un contraste saisissant entre les couleurs pastels de la ville et ses aspects plus sombres.

Après la conférence, on nous servit un petit-déjeuner, en groupe réduit. Le personnel administratif était adorable. C'est Jens qui s'occupait des étudiants étrangers. Regard bleu perçant, mains dans les poches, short. Impensable en France. Pourtant, il est de loin la personne la plus bienveillante, efficace et aimable que j'ai pu croiser lors de mes errances estudiantines. Comme quoi.

Le campus, quant à lui, tenait toutes ses promesses et bien plus. A KUA, il n'y a pas moins de treize bars pour les étudiants. Yup. On peut boire une bière après les cours, et un white russian le vendredi soir. C'est dans une de ces soirées universitaires que j'ai rencontré Timothy, par le biais de Clément -qui est dans la même fac que moi à Paris. Puis Ade.

-Adele? Like "hello it's me from the other side"?

C'est à peu près à ce moment précis que nous devînmes amies.


Tim et Ade Les soirées s'enchaînèrent comme si on avait peur que les occasions viennent à nous manquer. J'ai à peine le temps de m'installer ou même de regarder autour de moi. La beauté de la ville, l'architecture danoise, je n'y prêterai attention qu'une fois l’effervescence du début tassée. Elle ne se dissipera jamais complètement. Nous nous retrouvons au campus ou à la Studenterhuset -la maison des étudiants, un bar à petits prix tenu par des étudiants bénévoles (ah oui, les Danois ont un truc avec le bénévolat). Il y a une petite cour cachée, ouverte uniquement les jours de beau temps. Ils organisent des soirées, des concerts, des repas, et une projection de The Rocky Horror Picture Show pour Halloween, avec les déguisements et tout le tralala. (C'était la première fois que je visionnais ce film et autant vous dire que j'ai grave apprécié de le voir dans de telles conditions). On y boit de la bière, du cidre à la myrtille, et de la bière..au gingembre. Nous nous connaissions à peine mais, hormis quelques têtes de mules, nous faisions tous l'effort de nous ouvrir au projet européen et aux surprises qui en découlent.


Studenterhuset: Købmagergade 52 (Photo: Page Facebook)


La journée, si nous sommes éveillés, on profite des derniers jours d'été -comme partout dans le monde. Les cours n'ont pas encore commencé, à l'exception d'une journée de bienvenue. Avec Clément, on s'offre un joint de bienvenue à Christiania, la ville libre. En plein centre-ville, une enclave bucolique, autogérée, où la consommation -et la vente- de drogues douces est autorisée. Bien entendu, j'avais hâte d'y flairer l'atmosphère.

Christiania semble être une bulle qui embaume la beuh. L'ambiance y est tantôt électrique -aux abords de Pusher Street, tantôt hyper paisible, posés près du lac. Une fille écoute sa musique, accolée à une arbre. Un homme répare sa moto. La rue de la drogue, elle, fourmille, semble prête à exploser à tout moment. Le soleil tape fort ce jour-là. Les vendeurs fliquent les passants sous une bande son métal: les photos sont interdites. Clément range son portable. La plupart porte un casque de moto sur la tête. En dehors de l'enclave, la consommation et la vente de hashish sont prohibées. Quelques heures plus tard, le même jour, une fusillade éclatera entre flics en civil et un dealer, tuant un touriste. Des habitants désinstallent les stands de pâtisseries à valeur ajoutée et chassent certains. J'apprendrai plus tard, qu'il faut être Christianite pour travailler dans l'enclave. Malheureusement, le trafic était gangrené par des gangs venus de l'extérieur.

Les jours suivants, le temps s'écoulera plus lentement, loin de la frénésie et la chaleur de ma première visite. Les paradis artificiels sont toujours là et ne sont, en réalité, jamais partis. Mais les choses sont plus simples. Le calme -tout christianite- revînt, petite parcelle d'utopie, et j'ai pu prendre cette photo de Pusher Street. Au cours de ces dix mois passé au Danemark, j'y croiserai un chat.



Nous courons après les derniers jours d'été. Je m'empresse d'acheter une jupe: je n'avais ramené avec moi que des habits chauds. Nous allons à la plage. Le kiff total. Je ne sais pas s'il existe beaucoup de capitales européennes où il n'est pas nécessaire de s'éloigner de la ville pour trouver une plage: à Copenhague, on peut. J'y rencontre Christian, Américain d'origine italienne et danoise #GoMétissage. Et je sympathise avec Mareen, une Allemande proche de la perfection. Qu'est-ce qu'elle est belle putain.

Les plages danoises sont à l'image du reste: naturel, calme et bien pensée. Ici, pas de distinction entre plages nudistes et plages lambda. Le contraire semblerait grotesque et inutile. Le sable est parsemé d'herbes folles. Les moins pudiques s'y cachent pour ne pas choquer les autres. Plus loin, il y a cette imposante installation, si photogénique, mais dont je ne comprends pas l’intérêt sur le coup. Elle protège en réalité du vent. Pas con.


Kastrup Søbad

J'arpente la ville, seule. Mon niveau d'anglais se situe pour le moment proche du néant et je suis un peu réservée. J'ai besoin de l'alcool pour me désinhiber. Le centre-ville est la mignonnerie incarnée, léché au sud par un canal. On remarque des bougies absolument partout. Le bar à chicha du centre et les kebabs ne font pas exception. Le Danemark est le plus gros consommateurs de bougies d'Europe. C'est le fameux hygge, nom commun intraduisible. Mais j'aime bien cette définition: "the cosiness of the soul"**. Grosso modo, boire un chocolat chaud, c'est cool. Boire un chocolat chaud AVEC de la crème fouettée AVEC une couverture sur les genoux, c'est hygge. En sortant des cours, moi, je m'enfile ma pâtisserie préférée pour le goûter: le spandauer à la crème.

On s'en met forcément partout, mais tant pis.


Prochaine mission: dénicher le meilleur spandauer de Copenhague. Et peut-être un chat.

Méline E.



*Joyce, James. "Les chats de Copenhague". 1934

**The little book of hygge from the Hapiness Research Institute, Copenhagen

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