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La Casa de Papel ne sera pas le prochain Game of Thrones

  • Photo du rédacteur: Méline E
    Méline E
  • 28 juil. 2019
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 avr. 2020

La mythique série signée HBO n’est finie que de depuis quelques mois, que nous cherchons dépitement le nouveau récit qui comblera le manque laissé par la fin de Games of Thrones. La Casa de Papel, diffusée par la plateforme Netflix, a connu un succès qui a traversé les frontières. De retour depuis le 19 juillet avec une saison 3, le mastodonte n’a plus la force de frappe qu’on lui a connue.




Des saisons avalées dès leur sorties, commentées, décryptées, sur twitter, puis sur Youtube, des conseils anti-spoils, des avertissements, des théories à n’en plus finir, des analyses philosophiques… Peu de show tv ont provoqué une hystérie collective et un engouement sociétal comparable à Game of Thrones. Pourtant, sans prévenir, en 2017, la plateforme Netflix distribue la série La Casa de Papel dont la reprise de l’hymne « Bella Ciao » résonne désormais jusque dans les rues d’Algérie. De Madrid à Alger, la série espagnole -dont les 2 premières saisons narrent la préparation et l’exécution d’un braquage hors norme- a remis au goût du jour la figure du voleur au grand cœur. La Casa de Papel, et sa bande de bandit affublés d’un nom de ville, parlent aux rejetés du système. C’est un appel à la résistance. On chante « Bella Ciao » le point levé, on rêve d’assister au cours de braquage du Professeur, on parle de la série à la télé, à la radio (sur le service public !) : en bref, La Casa de Papel devient rapidement un phénomène. Le culte de la série aurait pu rester intact si la saison 3 -pas franchement nécessaire- n’avait pas souligné les défauts préexistants d’écriture.


Les braqueurs en vacances


La saison 3 démarre deux ans après le braquage de la Maison de la Monnaie d’Espagne. Mais diantre, que sont devenus nos hors-la-loi préférés ? L’incipit de cette saison commence comme un film de vacances avec ses habituelles grosses ficelles : de la danse, de l’alcool et des bains de minuit. Très rapidement, le naturel – et les ennuis- reviennent au galop. La bande doit alors se reformer et frapper, plus fort cette fois. En huit épisodes, la série nous sort la même artillerie lourde que dans les saisons précédentes. C’est à peine si les nouveaux personnages venus remplir les rangs servent à quelque chose (Marseille ?). La tendresse éprouvée en retrouvant la bande originelle repose essentiellement sur le scénario des saisons précédentes dans lesquelles la question de la cohabitation entre braqueurs et otages aidait grandement à humaniser ces hors-la-loi. La psychologie des personnages est sacrifiée sous l’autel du sensationnel et du toujours plus gros. Remarquons que les intrigues secondaires sont centrées presque exclusivement autour d’amourettes, pas toujours crédibles.

Les brèches narratives proposées dans cette nouvelle saison sont autant d’occasion manquées. Le Professeur, pour sauver un membre de la bande, propose le tout pour le tout : braquer la Banque Nationale Espagnole. Ou plutôt, il recycle. Car l’idée du braquage n’est pas la sienne, lui qui maîtrise tout, mais celle de Berlin. Le Professeur aurait dû confronter sa confiance en lui et l’égo de Berlin, dont le souvenir hante ce chapitre. Evoquée mais jamais explorée, la relation entre les frères voleurs aurait mérité d’être au premier plan. La complexité, l’ambiguïté sont d’autant d’éléments manquants à la série. Pourtant, il est possible d’aimer grandement un personnage et de le détester tout autant : Jaimie Lannister par exemple. Alors que Game of Thrones multipliait les arcs narratifs, La Casa de Papel n’excelle réellement que dans sa trame première : le casse. L’idée de cette nouvelle saison, pourtant géniale, n’est jamais poussée à son paroxysme.


Basta ya


« Ce n’est pas d’un braquage, ce n’est pas un doigt d’honneur au système, c’est une guerre». Si la série a toujours joué sur un sous-texte très politique, la saison 3 vise plus haut. Fort de leur soutien de la population espagnole, la bande tente de dénoncer les agissements du gouvernement espagnol qui détient illégalement leur ami Rio, et de soulever le voile d’une démocratie qui ne sent plus très bon. La répression des manifestations, la crise des migrants et la torture sont les enjeux contemporains évoqués dans cette nouvelle saison. Comme dans Game of Thrones où les revendications féministes avaient directement influencé le travail d’écriture en cours de production, La Casa de Papel interagit avec le réel. Le référendum pour l’indépendance de la Catalogne est passé par là. C’est la police qui a le rôle du méchant dans la saison 3.

Les démocraties sont dans un cul de jatte, mais les créateurs de la série veulent-ils vraiment la chute du pouvoir ? A force de ne pas se mouiller, les revendications du Professeur se dilatent au fil des épisodes, et finalement, importent peu. On ne se passionne en réalité que pour le braquage en lui-même, et pas son message. De là à dire, qu’il ne s’agit que d’un militantisme de façade…


Les récits universels


La Casa de Papel est une série qui se regarde, à l’image de sa narration en boucle qui en revient toujours aux prémisses. Création, préparation, exécution. Si la série puise sa mythologie dans l’Europe de la Résistance, le récit ne se projette jamais au-delà. Par-là, La Casa de Papel est un bon compagnon de route, à même d’être le miroir des démocraties qui s’essoufflent. Mais rien de plus.

Amour torturé de Rio et Tokyo, amour tendre de Denver et Stockholm, premier amour du Professeur : la série en revient toujours à des thèmes, certes universels, mais très terre à terre. Tandis que les forces obscures –métaphoriques ou non- qui animaient le récit de Game of Thrones permettaient une lecture philosophique de la série. En bien des occasions le show américain s’élevait au-delà d’une simple histoire de clans pour nous raconter quelque chose de l’humanité contemporaine. Le sort des femmes, le handicap, le changement climatique : sur bien des aspects, Game of Thrones a porté le débat. L’écriture de la série était traversée par des enjeux idéologiques. Pourtant, le thème de la rébellion, celui qui est au cœur de la saison 3 de La Casa de Papel, résonne avec des situations contemporaines.

Sans répondre à la question essentielle: Se révolter, et ensuite quoi ?


Méline Escrihuela

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