Les chevaux de Dieu : Nabil Ayouch nous parle du Maroc
- Méline E
- 20 mars 2018
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 oct. 2019
Nabil Ayouch est sans doute le plus connu et le plus talentueux des réalisateurs marocains. En tout cas, sans tabou, il l’est. Son septième film (sorti en 2013, ndlr), Les chevaux de Dieu, est tiré de faits réels : une série d'attentats suicide, touchant au cœur la ville de Casablanca, le 16 mai 2003. Commis par des jeunes d'un bidonville voisin, le Maroc entier en avait été bouleversé. Le réalisateur s’attache à comprendre ces jeunes martyrs.

Un film en miroir
Miroir de l’actualité d’abord. Les chevaux de Dieu nous fait l’effet d’un mauvais souvenir, d’une claque dans la gueule. En 2012, le 11 mars, Mohamed Merah revêtait l’habit du Mal. Il tuait lui aussi, froidement, au nom d’idées islamistes. Après l’horreur, la torpeur : nous apprenons que le « tueur au scooter » n’était rien de plus qu’un de nos compatriotes, petit gars des quartiers toulousains. Notre histoire est aussi celle du Maroc, en 2003. La ville de Casablanca avait alors été la cible de cinq attentats terroristes. Faisant 41 victimes, ces attentats étaient l’œuvre de gamins issus du bidonville marocain Sidi Moumen.
Nabil Ayouch se base sur ces faits pour nous conter l’histoire de deux jeunes frères, Hamid et Yachine, de leurs parties de foot à la prison pour deal, de la prison à l’Islam radical. Leurs interprètes, Habdellilah et Hakim Rachid -qui sont également frères dans la vraie vie- sont les révélations du film. Oscillant perpétuellement entre l’enfance et le monde des adultes, le film dévoile la réalité des bidonvilles qui mène ces enfants à basculer brutalement d’un monde à l’autre. Des résonances cinématographiques concrètes qui témoignent autant de la violence dans laquelle baigne Hamid et Yachine que de la misère et l'ennui qui brisent leurs rêves à tout jamais.
Sidi Moumen : un lieu, un personnage, un cri
Les Chevaux de Dieu n’est pas vraiment un film sur l’islamisme, le terrorisme ou le djihad. De toute manière, les spectateurs connaissent dès la scène d’ouverture le tragique destin d’Hamid, Yachine et de leur ami Nabil. Non, là n’est pas le véritable thème du film. La religion est d’ailleurs totalement absente dans la première partie du film. Nous avions déjà entendu parler des favelas au Brésil, nous connaissions les cortiços d’Inde, les bidonvilles du Caire. En revanche nous connaissions bien moins, ignorant même jusqu’à leur existence, ceux du Maroc. Nabil Ayouch répare cette erreur.
Les ruelles –escarpées- de Sidi Moumen, les toits -sinistres- de Sidi Moumen, le marché-dominé par une « mafia »- de Sidi Moumen… La mise en scène du quartier d’origine des futurs terroristes est un leitmotiv du film. Sidi Moumen est un lieu cruel pour de simples enfants. D’ailleurs «Yachine» n’est qu’un surnom. Yachine se nomme en réalité Tarek. Il se fait surnommer ainsi en honneur à Lev Yachine, un joueur de football russe auquel il rêve, un jour, de ressembler. Il ne se fera appeler par son vrai prénom que lorsqu’il n’aura plus aucun rêve: lorsqu’il se sera converti à l’Islam radical. "Volez chevaux de Dieu et à vous les portes du paradis s’ouvriront", lui dit le faux imam. Il le croit. De toute façon à Sidi Moumen, il n’a plus rien à espérer. Le véritable thème du film est en réalité la misère. La misère de ces bidonvilles qui est trop souvent le point de départ de la déviance vers l’extrémisme. Les Chevaux de Dieu dénonce la réalité de ces milieux ruraux, totalement délaissés par le gouvernement.
NB: Critique initialement publiée sur buzzles.org
Méline.E
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